vendredi 22 juillet 2011

Sur la visibilité de l'Eglise



De la Passion, de la résurrection et du triomphe final de JÉSUS-CHRIST en son Église


     Ayant voulu donner des preuves innombrables afin de défendre l'indéfectibilité (immutabilité et perpétuité) et la visibilité perpétuelle de l'Église catholique romaine jusqu'à la fin des temps, trouvées par la plupart dans des actes des Papes et dans des écrits des docteurs de l'Église, etc., et, si le Bon Dieu veut, cette démonstration aura lieu une autre fois. Mais dans un premier temps, voici un texte précieux et très intéressant tiré des oeuvres de Mgr. L.G. de Ségur, Prélat dans la Maison du Pape Pie IX, Chanoine de l'Ordre des Évêques du Chapitre Impérial de Saint-Denys, qui traite cet article important de notre Foi catholique. En même temps, il faut nous rappeler un autre dogme de foi : l'infaillibilité du magistère de l'Église enseignante qui se compose du Pape et des évêques unis au Pape. Il est clair que, séparés du Pape, les évêques (incluant les Pères de l'Église et mêmes les saints) sont faillibles, donc ils peuvent errer dans la foi, toujours s'ils se détachent de l'enseignement du Pape : « Le Saint-Siège a toujours cru, l'usage perpétuel de l'Église prouve, et les Conciles oecuméniques eux-mêmes ont déclaré que dans la primauté apostolique était la puissance suprême du magistère ou le droit suprême d'enseigner l'Église universelle. (Vat., chap. IV.)

Le texte en question est composé des extraits de l'opscule Je Crois,  tiré des « Oeuvres de Mgr. de Ségur », 10-ème tome, page 69. (Paris, Librairie Saint-Joseph, TOLRA, Libraire-éditeur, 112, rue de Rennes, 1887)


JE CROIS

« Comme l'auteur l'indique dans sa préface, cet opuscule est une simple et courte exposition de la doctrine catholique touchant le mystère de la divinité de JÉSUS-CHRIST. Il a été examiné et revu avec un soin minutieux par de très-graves théologiens, aussi éminents par leur doctrine que par leur piété. En deux ans, près de dix mille exemplaires en ont été répandus dans le public; et le Souverain-Pontife a bien voulu l'honorer du beau et touchant Bref Apostolique que voici :


BREF DE N. T.-S. P. LE PAPE PIE IX

« PIE IX, PAPE.

     « Cher Fils, Salut et Bénédiction Apostolique.

     « Bien que vous sachiez déjà combien volontiers Nous agréons vos hommages, vous avez tenu à Nous les rendre plus agréables encore en Nous offrant le nouvel opuscule où vous êtes appliqué à raffermir dans le peuple et à mettre plus en lumière la foi aux mystères de l'Incarnation du Seigneur et de notre Rédemption. Nous n'avons pu lire encore, absorbé que Nous sommes par les sollicitudes de Notre ministère; mais Nous avons la ferme confiance qu'en publiant si souvent de ces sortes d'écrits si clairs, si bien  adaptés à l'intelligence et à l'ésprit des masses, vous ne contribuez pas peu à empêcher la diffusion de l'impiété; par ces opuscules, en effet, la saine doctrine est défendu, propagée, semée et gravée dans les esprits; et ainsi vos travaux vous prépareront à juste titre la récompense promise à ceux qui enseignent aux multitudes les voies de la justice.
     « Aussi vous souhaitons-Nous et la santé et les forces dont vous avez besoin pour vous dévouer longtemps encore à ce laborieux et très-utile ministère, afin que la couronne que vous vous tressez devienne de jour en jour plus splendide.
     « En attendant, comme gage des faveurs célestes et comme témoignage de Notre gratitude et de Notre amour paternel, Nous vous accordons, cher Fils, de tout Notre coeur, la Bénédiction Apostolique.
     « Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 22 janvier 1874, en la vingt-huitième année de notre Pontificat. »

« PIE IX, PAPE. »


« Élevé moi-même à l'école de l'Université, j'ai été plus de quinze ans à me débarrasser des milles préjugés dont l'enseignement universitaire avait infecté mon esprit. J'étais prêtre depuis huit et dix ans, que je me ressentais encore parfois des calomnies dont on avait bercé ma jeunesse, au sujet de la Papauté et du rôle des Papes dans l'histoire, au sujet des Ordres religieux et en particulier des Jésuites, au sujet de la piété, etc. » (Mgr. de Ségur)


Que JÉSUS-CHRIST est, dans la personne du Pape, le Chef, le Pasteur et le Docteur de l'Église Catholique-Romaine

« [...] Le divin Roi de l'Église, Jésus, perfectionna pour toujours l'oeuvre ébauchée dans l'Église patriarcale et dans l'Église mosaïque. Il se choisit un Vicaire, un autre lui-même, et il l'établit Roi et Père spirituel des chrétiens, Monarque suprême du monde catholique. Il lui donna la charge de paître, en son nom et jusqu'à son retour, le troupeau universel de ses brebis et de ses agneaux. Il fit de lui le dépositaire de son autorité, de sa toute-puissance spirituelle (le pouvoir des clés); il lui conféra le don surnaturel et divin de l'Infaillibilité dans l'enseignement officiel de l'Église; il le préposa au gouvernement de toute sa maison, à la garde des moeurs, et il voulut que toute créature demeurât soumise à l'autorité du Pontife Romain, sous peine de damnation éternelle.
     Au-dessous des son Vicaire, au-dessous du Souverain-Pontife de son Église, JÉSUS-CHRIST établit l'Ordre des Évêques, destiné à partager la sollicitude suprême du Pape, et à gouverner, sous sa houlette pastorale, les Églises particulières. Aux Évêques il adjoignit les prêtres et les diacres; et après avoir réglé avec saint Pierre et les Apôtres les points essentiels du culte divin, de la dispensation des sacrements et des choses saintes, il remonta corporellement au ciel, en présence de plus de cinq cents disciples, le jour de l'Ascension.
     Dix jours après, suivant sa promesse, il envoya l'Esprit-Saint à Pierre et aux apôtres réunis au Cénacle, autour de la Reine-Mère de l'Église, avec plus de cent disciples, prémices du sacerdoce catholique et du peuple chrétien.
[...] Les Apôtres, soumis à JÉSUS-CHRIST dans la personne de Pierre, se répandirent dans le monde entier, prêchant la foi, fondant des Églises, consacrant des Évêques, des prêtres et des diacres, semant de toutes parts la parole de vérité, lavant les âmes dans la sang du Christ, couvrant la terre du mystique froment de l'Eucharistie. [...] C'est JÉSUS-CHRIST qui faisait tout cela, en ses serviteurs.... Par les successeurs de saint Pierre, le Fils de Dieu continue depuis dix-neuf siècles l'apostolat du salut et de la seule civilisation véritable... Et il en sera ainsi jusqu'au second avénnement du Fils de Dieu. Alors la gloire du serviteur disparaîtra devant la gloire du Maître; alors le Souverain-Pontife du ciel sera pour toute l'éternité le seul Chef de son Église ressuscitée et triomphante, et introduira dans les divins pâturages du Paradis l'immense troupeau de ses élus...


De la Passion, de la résurrection et du triomphe final de JÉSUS-CHRIST en son Église
(pour faciliter la lecture, j'ai omis les citations entières en latin comme elles étaient dans l'original, mais j'ai laissé les titres pour référence)


     JÉSUS-CHRIST et l'Église forment un tout indivisible; le sort de l'un, c'est le sort de l'autre; et de même que là où est la tête, là également doit se trouver le corps, de même les mystères qui se sont acomplis en JÉSUS-CHRIST durant sa vie terrestre et mortelle doivent se parachever en son Église durant sa vie militante d'ici-bas. JÉSUS-CHRIST a eu sa Passion et son crucifiement : l'Église doit avoir, elle aussi, et sa Passion, et son crucifiement final. JÉSUS-CHRIST est ressuscité et a triomphé miraculeusement de la mort : l'Église ressuscitera, elle aussi, et triomphera de Satan et du monde, par le plus grand et le plus prodigieux de tous les miracles : celui de la résurrection instantanée de tous les élus, au moment même où Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST, entr'ouvrant les cieux, en redescendra plein de gloire avec sa sainte Mère et tous ses Anges. Enfin, JÉSUS-CHRIST, Chef de l'Église, est monté corporellement au ciel le jour de l'Ascension : à son tour, l'Église ressuscitée et triomphante montera au ciel avec Jésus, pour jouir avec lui, dans le sein de DIEU, de la béatitude éternelle.
Nous ne connaissons d'une manière certaine "ni le jour ni l'heure (Ev.Matth., XXV, 13.)" oû se passeront ces grandes choses. Ce que nous savons, d'une manière générale mais infaillible, parce que cela est révélé de DIEU, c'est que "la consommation viendra lorsque l'Évangile aura été prêché dans le monde entier, à la face de tous les peuples (Ibid., XXIV. 14.)" Ce que nous savons, c'est qu'avant ces suprêmes et épouvantables secousses qui constitueront la Passion de l'Église et le règne de l'Antechrist, il y aura, dit saint Paul, l'apostasie ( II ad Thess., II, 3.), l'apostasie générale ou quasi-générale de la foi de la sainte Église Romaine (Corn. a Lap., in loc.cit.). Enfin, ce que nous savons, c'est qu'à cette redoutable époque le caractère général de la maladie des âmes sera "l'affaiblissement universel de la foi et le refroidissement de l'amour divin, par suite de la surabondance des iniquités (Ev.Matth., XXIV, 12)."
     
     Les Apôtres ayant demandé un jour à Notre-Seigneur à quels signes les fidèles pourraient reconnaître l'approche des derniers temps, il leur répondit : d'abord qu'il y aurait de grandes séductions, et que beaucoup de faux docteurs, beaucoup de semeurs de fausses doctrines rempliraient le monde d'erreurs et en séduiraient un grand nombre (Ibid., 10, 11.); - puis, qu'il y aurait de grandes guerres et qu'on n'entendrait parler que de combats; que les peuples se jetteraient les uns sur les autres, et que les royaumes s'élèveraient contre les royaumes (Ibid., 6, 7.); - qu'il y aurait de tous côtés des fléaux extraordinaires, des maladies contagieuses, des pestes, des famines, et de grandes tremblements de terre (Ibid., 7.). "Et tout cela, ajouta le Sauveur, ce ne sera encore que le commencement des douleurs (Ibid., 8.)" Satan et tous les démons en seront la cause. Sachant qu'il ne leur reste plus que peu de temps, ils redoubleront de fureur contre la sainte Église; ils feront un dernier effort pour l'anéantir, pour détruire la foi et toute l'oeuvre de DIEU. La rage de leur chute ébranlera la nature (Apoc., XII, 9, 12.), dont les éléments, comme nous l'avons dit, resteront jusqu' à la fin sous les influences malfaisantes des mauvaises esprits.
     
Alors commencera la plus terrible persécution que l'Église ait jamais connue; digne pendant des atroces souffrances que son divin Chef eut à souffrir en son corps très-sacré, à partir de la trahison de Judas. Dans l'Église aussi il y aura des trahisons scandaleuses, de lamentables et immenses défections; devant l'astuce des persécuteurs et l'horreur des supplices, beaucoup tomberont, même des prêtres, même des Évêques; "les étoiles des cieux tomberont", dit l'Évangile. Et les catholiques fidèles seront haïs de tous, à cause de cette fidélité même (Ev. Matth., XXIV, 5, 9.).
      
Alors celui que saint Paul appelle "l'homme du péché et le fils de perdition (II ad Thess., II, 3.)," l'Antechrist commencera son règne satanique et dominera tout l'univers. Il sera investi de la puissance et de la malice de Satan (Apoc. XIII. 2.). Il se fera passer pour le Christ, pour le Fils de DIEU; il se fera adorer comme DIEU, et sa religion, qui ne sera autre chose que le culte de Satan et des sens, s'élèvera sur les ruines de l'Église et sur les débris de toutes les fausses religions qui couvriront alors la terre (II ad Thess. II, 4.).
      
L'Antechrist sera une sorte de César universel, qui étendra son empire sur tous les rois, sur tous les peuples de la terre; ce sera une infâme parodie du royaume universel de JÉSUS-CHRIST. Satan lui suscitera un grand-prêtre, parodie sacrilège du Pape; et ce grand-prêtre fera prêcher et adorer l'Antechrist par toute la terre. Par la vertu de Satan, il fera de grands prodigues, jusqu'à faire descendre le feu du ciel en présence des hommes; et, au moyen de ces prestiges, il séduira l'univers. Il fera adorer, sous peine de mort, l'image de l'Antechrist; et cette image paraîtra vivre et parler; également sous peine de mort, il commandera que tous, sans exception, portent au front ou sur la main droite le signe de la bête, c'est-à-dire le caractère de l'Antechrist. Quiconque ne portera point ce signe, ne pourra ni vendre ni acheter quoique ce soit (Apoc. XIII, II-17.). Autour des images de l'Antechrist, les prestiges de Satan seront tels, que presque tout le monde les prendra pour de vrais miracles; et les élus eux-mêmes auraient pu être séduits à la longue; mais, à cause d'eux, le Seigneur abrégera ces jours (Ev. Matth., XXIV, 22, 24.).
      
"L'abomination de la désolation régnera dans le lieu saint (Ibid., 15.)", pendant "trois ans et demi, pendant quarante-deux mois (Apoc., XIII, 5.)", correspondant aux quarante-deux heures qui se sont écoulées, comme nous l'avons dit déjà, depuis le commencement des ténèbres du crucifiement de JÉSUS, le Vendredi-Saint, jusqu'à l'heure de la résurrection, le dimanche de Pâques, au lever du soleil.
      
Quoique toujours visible et composée de ses éléments essentiels, l'Église sera pendant tout ce temps-là comme crucifiée, comme morte et ensevelie. Il sera donné à l'Antechrist de vaincre les serviteurs de Dieu, et de faire plier sous son joug tous les peuples, et toutes les nations de la terre; et, sauf un petit nombre d'élus, tous les habitants de la terre l'adoreront, en même temps qu'ils adoreront Satan, auteur de sa puissance (Ibid., 7, 8, 4.). Si jadis le féroce Dioclétien a pu croire un instant qu'il avait définitivement détruit le nom chrétien, que sera-ce en ces temps-là, dont ceux de Dioclétien de de Néron n'ont été qu'un pâle symbole? L'Antechrist proclamera orgueilleusement la déchéance du christianisme, et Satan, maître du monde, se croira un instant vainqueur.
      
Mais en ces temps-là, comme nous l'apprennent et l'Écriture et la Tradition, s'élèveront contre l'Antechrist "les deux grands témoins (Ibid., XI, 3.)" de JÉSUS-CHRIST, réservés pour ces derniers jours, à savoir le Patriarche Hénoch et le Prophète Élie, qui ne sont pas morts, comme l'enseigne expressément l'Écriture. Ils viendront prêcher les voies du Seigneur. Ils prêcheront JÉSUS-CHRIST et le règne de DIEU pendant douze cent soixante jours, c'est-à-dire pendant la durée presque entière du règne de l'Antechrist. La vertu de DIEU les protégera et les gardera. Ils auront le pouvoir de fermer le ciel et d"arrêter la pluie pendant tout le temps de leur mission. Ils auront le pouvoir de changer les eaux en sang et de frapper la terre de toutes sortes de plaies (Ibid., 3, 4, 5, 6.). Ils feront des miracles sans nombres, semblables à ceux de Moïse et d'Aaron ("On peut en voir le récit prophétique en plusieurs passages de l'Apocalypse, laquelle comme chacun sait, est la grande prophétie des derniers temps de l'Église"), lorsque ceux-ci combattirent en Égypte l'impie Pharaon et préparèrent la délivrance du peuple de DIEU. Comme Moïse et Aaron, les deux témoins de JÉSUS-CHRIST ébranleront l'empire et le prestige du Maudit.
      
Celui-ci néanmoins parviendra à s'emparer d'eux, et ils subiront le martyre, "là où leur Seigneur a été crucifié (Apoc., XI, 8.)", c'est-à-dire à Jérusalem; ou bien peut-être à Rome, où le dernier Pape aura été crucifié par l'Antechrist, suivant une tradition immémoriale.
      
Après trois jours et demie, les deux grands précurseurs du Roi de gloire ressusciteront à la face de tout le peuple; et ils monteront au ciel, sur une nuée, pendant qu'un terrible tremblement de terre jettera partout l'épouvante (Ibid., 11, 12, 13.).
      
Pour relever sa puissance, l'Antechrist, singeant la triomphale ascension du Fils de DIEU et des deux grands Prophètes, tentera, lui aussi, de monter au ciel, en présence de l'élite de ses adeptes. Et c'est alors que Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST, "semblable à la foudre qui de l'orient à l'occident déchire le ciel, apparaîtra tout à coup sur les nuées, dans toute la majesté de sa puissance (Ev. Matth., XXIV, 27, 30.)", frappant de son souffle et l'Antechrist (II ad Thess., II, 8.) et Satan et les pécheurs. Tout ceci est prédit en termes formels (I ad Thess., IV, 15.). Comme nous l'avons dit, l'Archange Michel, le Prince de la milice céleste, fera retentir toute la terre du cri de triomphe qui ressuscitera tous les élus (Ev. Matth., XXIV. 31.). Ce sera le Consummatum est de l'Église militante, entrant pour toujours dans la joie du Seigneur.
      
Cette "voix de l'Archange" sera accompagnée d'une combustion universelle, qui purifiera et renouvellera toutes les créatures profanées par Satan, par le monde et par les pécheurs. La foi nous apprend, en effet, qu'au dernier jour, JÉSUS-CHRIST doit venir juger le monde par le feu (Rit.Rom.). Ce feu vengeur et sanctificateur renouvellera la face de la terre et fera "une nouvelle terre et des nouveaux cieux (Psal., CIII, 30.), (Apoc. XXI, 1.)". Comme au Sinaï, comme au Cénacle, l'Esprit-Saint se manifestera ainsi par le feu, en ce jour redoutable entre tous.
   
      
Telle sera la fin terrible et glorieuse de l'Église militante; telle sera, autant du moins que la lumière toujours un peu voilée des prophéties nous permet de l'entrevoir, telle sera la Passion de l'Église; telle sera sa résurrection suivie de son triomphe. Corps mystique du Fils de DIEU, elle aura suivi son divin Chef jusqu'au Calvaire, jusqu'au sépulcre, et par cette fidélité elle aura mérité de partager sa gloire à tout jamais. »

Le Testament sprituel du saint Louis-Marie de Montfort



« Le Testament sprituel qui suit, ou bien les quatorze Oraisons qui l'accompagnent (...) doit nous être d'autant plus cher, qu'il a été composé, il est très-vraisemblable, par le Vén. P. de Montfort lui-même. En effet, nous l'avons axtrait, mot pour mot, d'un petit écrit intitulé: Dispositions pour bien mourir, qui fut imprimé à la Rochelle au temps même où le saint Missionnaire habitait cette ville. Or, dans cet écrit, on retrouve sa méthode de préparation à la mort, avec ces pensées fortes, simples, onctueuses et pénétrantes par lesquelles le vertueux prêtre savait si bien remuer les coeurs. Au moins, ce qui est tout à fait certain, et ce qui suffirait pour rendre ce Testament spirituel bien cher à ses filles, c'est que leur Vénérable Père s'en est servi lui-même pour se disposer à la mort. L'exemplaire, en effet, d'après lequel nous le reproduisons aujourd'hui pour la première fois, a été entre les mains de notre bienheureux Père; il a été à son usage, il s'en est servi jusqu'à ses derniers moments, et c'est à la suite de ce Testament spirituel que se trouve l'original authentique du testament du Vénérable de Montfort, testament composé la veille de sa mort, et heureusement conservé jusqu'à nos jours.

+++

TESTAMENT SPIRITUEL

     Au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit.

Me voyant près de mourir, et ayant encore l'esprit pleinement libre, par votre miséricorde, ô mon très-aimable Sauveur, je proteste à votre divine Majesté, en présence du saint Ange que vous m'avez donné pour me garder, que je veux mourir dans la Foi et dans les sentiments de l'Eglise catholique, apostolique et romaine, dans lesquels tous vos Saints et vos amis sont décédés.
      
1. Je crois fermement, mon Dieu, tout ce que vous nous avez révélé, et je renonce dès à présent à toutes les tentations d'infidélité et de désespoir, qui me pourraient arriver par la malice du démon ou par la faiblesse de mon esprit.

2. J'accepte dès maintenant la mort pour l'amour de vous, non tant pour être délivré des misères de la vie et pour jouir plus tôt de la gloire, que pour accomplir votre sainte volonté.
     
3. Je me soumets à tout ce qu'il vous plaît que j'endure, soit au corps ou à l'âme, et je vous l'offre en union de votre très-sainte agonie, pour satisfaire à votre justice et réparer le tort que j'ai fait à votre gloire.
    
4. Je renonce désormais au monde, à la chair, à la vie présente, à l'usage des sens, à la compagnie des vivants et à tous contentements de la nature, parce que vous le voulez ainsi et que je mérite d'en être privé.
    
5. J'espère, mon très-doux et très-miséricordieux Seigneur, que votre bonté me pardonnera mes péchés : car je suis assuré que votre clémence surpasse infiniment la grandeur de mes offenses, C'est donc, ô mon Dieu, sur l'abîme de vos miséricordes infinies, et sur les mérites de votre mort, qui est la source de vos bénédictions céléstes, que je m'appuie et que j'attends le pardon que vous avez demandé pour moi, avec des larmes de sang, et la grâce de persévérer jusqu'à la fin dans votre amour. In te, Domine, speravi, non confundar in aeternum.
     
6. O mon Dieu, mon souverain bien et ma dernière fin, qui m'avez commandé de vous aimer, je proteste, en votre divine présence, le vouloir faire de tout mon coeur, désirant que mon âme demeure épurée et dégagée de tout autre amour que du vôtre; je renonce de tout mon pouvoir à tout autre intérêt et ne veux désormais m'occuper que de vous, ô mon Dieu et mon tout dans le temps et l'éternité. Que je sois tout à vous et tout pour vous,comme vous êtes tout pour moi. Oh! que j'ai de regret de vous avoir aimé si tard et si peu! Sero te amavi, o pulchritudo tam antiqua, sero te amavi.

7. O ma béatitude, ma lumière, ma vie, je soupire après vous, je souhaite avec des ardeurs inexplicables de me voir un jour uni avec vous, pour vous aimer et glorifier le plus purement et parfaitement qu'il est possible; c'est pourquoi je vous prie, ô le Dieu de mon coeur, que vous tiriez mon âme de la prison de mon corps et que vous rompiez, s'il vous plaît, les liens qui la tiennent captive, pour la mettre en la liberté de vos enfants, afin qu'elle vous chante éternellement des cantiques d'amour et de bénédictions dans la région des vivants, puisque c'est en cette région, en non pas en celle des mourants, que je vous louerai et aimerai parfaitement. Placebo Domino in regione vivorum. C'est là, ô mon Dieu, que je vous plairai sans vous déplaire, que je vous contemplerai sans obscurité, que je vous aimerai sans inconstance, et que les devoirs que je vous rendrai seront sans défaut. Sitivit anima mea ad Deam fortem vivum!! Quam dilecta taberbacula tua, Domine virtutum! Satiabor cum apparuerit gloria tua! Jusque-là, mon Seigneur, je n'aurai point de repos, je languirai d'amour, mon coeur me battra sans cesse dans la poitrine; vous l'avez fait pour vous, il sera toujours agité jusqu'à ce qu'il repose pleinement en vous.
      
8. O Père éternel, Père des miséricordes, Père des lumières, de qui descend tout don parfait, je vous rends, par le Coeur amoureux de Jésus-Christ Notre-Seigneur, des actions de grâces infinies pour tous les biens qu'il vous a plu me faire par votre seule bonté, et de tous les moments de ma vie, dont j'ai joui si longtemps, et que je remets entre vos mains, avec un coeur plein de reconnaissance et d'amour. Je vous remercie de nouveau, en toute humilité, de l'usage que vous m'en avez donné, comme aussi de tous les moments de l'étérnité bienheureuse et de tous les biens de la gloire que j'espère, par les mérites des plaies de mon Sauveur, qui me les a acquis avec tant de peine, et j'invite tous les Saints et toutes les créatures à vous en louer pour moi. Omnis spiritus laudet Dominum.
      
9. Hélas! quand je considère le mauvais emploi que j'ai fait de tous ces biens, que je n'ai payé que d'ingratitudes, j'en ai une douleur très-sensible, et un regret extrême de ma mauvaise vie, dont je vous demande très-humblement pardon, vous suppliant d'effacer les tâches de mon âme, avec le sang de votre très-cher Fils, et d'oublier mes négligences passées, qui m'ont tant de fois retiré des voies de votre Saint-Esprit, frustrant les desseins que votre bonté avait sur moi. N'entrez point, mon Dieu, en jugement contre votre pauvre serviteur; mais puisque vous ne rejetez pas le sacrifice d'un coeur contrit et humilié, accordez-moi cette grâce que je pleure mes offenses pendant le reste de ma vie et que je meure dans l'esprit de pénitence, à l'exemple de tous vos Saints.
    
     O mon Seigneur Jésus, par cette ardente charité qui détacha votre très-sainte âme de votre sacré corps, que mon coeur blesse d'amour et brisé de douleur puisse apaiser votre colère.
     O Vierge sainte, heureuse porte du ciel, donnez-moi une des larmes de votre Fils, et un des soupirs de votre Coeur percé de douleur au pied de la Croix, pour suppléer à ma contrition et recevez mon âme au nombre de celles qui obtiennent, par votre intercession, le pardon de leurs offenses et la vie éternelle.
     O mon fidèle gardien, prenez soin du dernier moment de ma vie et m'assistez si puissamment contre tous mes enemis que je sorte victorieux de ce dernier combat, en mourant dans l'amour et par l'amour de mon Dieu et de mon très-doux Sauveur. Ainsi soit-il.


ORAISONS

Pour les Sept Onctions et de l'Extême-Onction

Aux yeux.

   Mon très-doux Jésus, je vous prie, par les larmes que vous avez versées de vos yeux, d'effacer les péchés que j'ai commis par le déréglement de ma vue, afin qu'ayant achevé la course de ma vie, je puisse voir la beauté de votre divin visage, qui fait le paradis de ses regards.

Aux oreilles.

  Mon très-doux Jésus, je vous prie, par la pureté céleste de vos oreilles, de laver l'impureté des miennes, afin qu'à l'heure de ma mort, ne craignant point d'ouïr un arrêt funeste de votre bouche, je me présente avec joie devant votre trône pour recevoir la couronne et pour entendre ces douces paroles:
« Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous est préparé dès le commencement du monde. »

Aux narines.

   Mon très-doux Jésus, je vous prie, par la douce odeur de vos vertus, et par la patience avec laquelle vous souffrîtes la puanteur du Calvaire pour me délivrer de celle de l'enfer, de me pardonner les péchés que j'ai commis par ma délicatesse, et par les dépenses superflues que j'ai faites pour contenter mon odorat, afin qu'à l'heure de ma mort rien ne m'empêche de vous dire: « Attirez-moi à vous, nous courrons à l'odeur de vos pafums.»

A la bouche.

   Mon très-doux Jésus, je vous prie, par la puissante vertu des paroles sacrées qui sont sorties de votre bouche, de me pardonner l'intempérance de ma bouche et l'incontinence de ma langue, afin que sortant de cet exil, j'entre avec joie dans le temple de votre gloire pour chanter éternellement vos louanges.

Aux mains.

   Mon très-doux Jésus, je vous prie, par les sacrées plaies de vos mains, d'anéantir tous les désordres des miennes, afin qu'après mon décès, je puisse vous embrasser très-étroitement, et m'unir à vous pour jamais.

Aux pieds.

   Mon très-doux Jésus, je vous prie, par les sacrées plaies de vos pieds, de me pardonner tous les pas que j'ai faits dans les voies de l'iniquité, afin que mon âme, étant dégagée du poids de ce corps mortel, prenne son vol vers vous, qui êtes son centre et le lieu de son repos.

Aux reins.

  Mon très-doux Jésus, je vous prie, par la douce plaie de votre Coeur et l'innocence de votre très-sainte vie, de me pardonner les excès honteux de ma concupiscence; faites-moi, s'il vous plaît, un bain de vore sang, en qui seul je mets toute mon espérance; appliquez-moi le mérite de cette eau qui sortit de votre sacré côté, pour laver les taches de mon corps et de mon âme, afin qu'étant parfaitement purifié en sortant de cette misérable captivité, je me trouve heureusement en vous, qui êtes le vrai paradis des délices éternelles: Cor mundum crea in me, Deus. Amplius lava me ab iniquitate mea, et a peccato meo munda me.


ORAISONS

Sur les Dernières Paroles de Jésus-Christ.

La première : Mon Père, pardonnez-leur, parce qu'il ne savent ce qu'ils font.

Oraison.

O Jésus, qui avez prié pour vos ennemis, lorsqu'ils vous crucifiaient, pardonnez-moi mes offenses, comme je pardonne de bon coeur à ceux qui m'ont offensé.

La seconde : En vérité, je vous dis que vous serez aujourd'hui avec moi en Paradis.

Oraison.

O Jésus! qui avez promis le Paradis à la pénitence du bon larron, je vous conjure, par votre bonté infinie, de vous souvenir de moi à l'heure de ma mort, et de me donner une véritable contrition de mes péchés.

La troisième : Femme, voilà votre Fils. Voilà votre Mère.

Oraison.

O Jésus, qui avez témoigné en mourant la tendresse de votre Coeur envers votre bienheureuse Mère, et qui lui avez recommandé tous vos disciples en la personne de saint Jean, mettez-moi, s'il vous plaît, sous sa protection, et donnez-moi un coeur de fils pour l'honorer. O Marie, souvenez-vous que votre Fils, étant sur l'arbre de la croix, vous a recommandé mon âme; montrez-lui que vous êtes une bonne Mère, et que vous prenez soin de mon salut. Monstra te esse matrem.


La quatrième : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé?

Oraison.

O Jésus, qui, par un excès d'amour, avez bien voulu être délaissé de votre Père, de peur d'abandonner les pécheurs, ne me délaissez point, je vous prie, à l'heure de ma mort, lorsque tout le monde m'abandonnera; vous êtes mon unique refuge, cachez-moi dans vos plaies sacrées, faites que j'y trouve ma consolation et mon salut.

La cinquième : J'ai soif!      

Oraison.

O Jésus, qui avez voulu être abreuvé de fiel et de vinaigre, je vous supplie, par la brûlante soif que vous avez eue de la gloire de votre Père et de ma perfection, de réparer toutes mes froideurs passées, et d'allumer dans mon coeur un ardent désir de vous servir et de vous glorifier éternellement.

La sixième : Tout est consommé!

Oraison

O Jésus, qui avez entièrement accompli toutes les volontés de votre Père céleste, et consommé par votre mort l'ouvrage de notre rédemption, faites-moi la grâce de consommer et d'accomplir parfaitement, avant que je meure, tous les desseins que vous avez sur moi pour votre gloire et pour mon bien.

La septième : Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains.

Oraison.

O Jésus, qui avez remis votre esprit entre les mains de votre Père, avant que d'expirer, je vous supplie de recevoir le mien entre les bras de votre miséricorde au dernier soupir de ma vie; cachez-le dans le tabernacle de votre Coeur amoureux, à ce redoutable moment auquel il sera en danger de tomber dans un abîme; mettez-le à couvert dans ce divin sanctuaire, contre tous les efforts de mes ennemis; faites éclater sur moi les merveilles de votre grâce, vous qui, d'un bras tout-puissant, sauvez ceux qui espèrent en vous, gardez-moi comme la prunelle de vos yeux, contre ceux qui vous résistent et qui veulent renverser le dessein que vous avez de me sauver. Couvrez-moi de l'ombre de vos ailes contre ceux qui me persécutent.


Vie d'union à Jésus par Marie ou Vie intérieure d'une fille-de-la-sagesse, 1868, p. 297-311. »