jeudi 10 avril 2025

 La discipline pénitentielle au Québec selon les directives en vigueur de S. S. le Pape Pie XII


Fêtes d'obligation (Décret au sujet de l'observance de certains jours de fête avec commentaire, voir au-dessous)

* Tous les dimanches de l'année. 

* La Circoncision, le 1er janvier. 

* L'Epiphanie, le 6 janvier. 

* L'Ascension. 

* La Toussaint, le 1er novembre. 

* L'Immaculée-Conception, le 8 décembre. (Le décret de la S.C. du Concile, du 25 juillet 1957, pour sa part, se limite à transférer l’obligation du jeûne et de l’abstinence prescrits pour la Vigile de l’Assomption de la Très Sainte Vierge Marie (14 août) à la Vigile de l’Immaculée Conception (7 décembre) (Cf. La Documentation Catholique, n° 1257, 4 août 1957, col. 1020 ; Cf. MM. Têtu, H., et C.-O. Gagnon, Ptres., Mandements, lettres pastorales et circulaires des Eveques de Quebec, Québec, 1967, vol. 18, p. 120.) 

* Noël, le 25 décembre. 


Jours d'abstinence complète obligatoire 

* Le mercredi des Cendres. 

* Les vigiles de Noël et de la solennité de l'Immaculée-Conception. 

* Le Samedi-Saint, jusqu'à minuit. (Décret Maxima redemptionis nostrae (Sacrée Congrégation des Rites, Décret général, 16 novembre 1955, n. 10 ; A.A.S. p. 844). Il est donc cohérent qu’avec le déplacement de l’horaire de la Veillée Pascale à la nuit institué par la réforme de la Semaine Sainte, la Congrégation des Rites ait étendu jusqu’à la nuit les obligations de jeûne et de l'abstinence du Carême.)

* Tous les vendredis de l'année, excepté celui où tombe une fête d'obligation. 


Jours d'abstinence partielle obligatoire (Il est permis de faire gras à un seul repas) 

* Le mercredi et le samedi des Quatre-Temps. 

* Les vigiles de la Pentecôte et de la Toussaint. (On n'anticipe plus les vigiles : si la Toussaint ou Noël ou l'Immaculée Conception tombe un lundi (donc la vigile tombe un dimanche), on ne rapporte pas, comme autrefois, jeûne et abstinence au samedi précédent, mais ils sont simplement supprimés.)


Autres directives 

On exhorte instamment les fidèles durant le saint temps du Carême à assister quotidiennement à la Messe, - si ce n'est pas possible physiquement, il est souhaitable qu'on puisse y assister au moins spirituellement, en faisant la Communion spirituelle -, à communier fréquemment, à prendre part plus souvent aux exercices publics de piété, à réciter le chapelet en famille, à donner généreusement aux œuvres de charité, à visiter et secourir les malades, les vieillards et les pauvres, à s'abstenir des boissons alcooliques et des amusements mondains et à prier avec une ferveur redoublée, particulièrement aux intentions du Saint-Siège.

L'Aumône étant le complément nécessaire de la pénitence, elle doit suppléer, durant le Carême, aux anciennes rigueurs, aujourd'hui abolies : elle s'impose surtout à ceux qui sont dispensés du jeûne. Les fidèles peuvent satisfaire au précepte de la Communion pascale depuis le Mercredi des Cendres jusqu'au dimanche de la Quasimodo (Induit accordé à l'Archidiocèse de Québec pour cinq ans, le 18 juillet 1949), les premiers communiants jusqu'à la Trinité (Mgr Maurice Roy, Archevêque de Québec, 11 février 1952).


5e Commandement de l'Église 

(Mgr Mayrand, Paul, P.A., Catéchisme expliqué, Nicolet, 1959, p. 426 et suiv.)

"Quatre-Temps, vigile jeûneras, et le carême entièrement." 

Le jeûne a pratiquement toujours existé dans la vraie Religion. Dans l'Ancien Testament, certains aliments étaient interdits, comme le sang, la viande des animaux étouffés et celle du porc, dont les juifs devaient absolument s'abstenir. Le jeûne lui-même est fortement recommandé par les prophètes, au nom du Seigneur, souvent "sous le sac et la cendre", pour mieux marquer extérieurement la pénitence du cœur. Rappelons seulement le jeûne rigoureux des Ninivites, à la prédication de Jonas. Dans le Nouveau Testament, il est parlé des jeûnes absolus et prolongés de saint Jean-Baptiste et de JÉSUS-CHRIST. Tous deux ensuite prêchent d'autorité la pénitence dont ils ont donné l'exemple. Le Sauveur dit qu'Il y a certains démons qui ne se peuvent être chassés que par la prière et le jeûne. Les Apôtres se préparèrent de cette façon aux actions les plus importantes de leur ministère. Quand donc l'Église nous dit : " Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous ", il ne parle pas seulement de la componction du cœur, mais aussi de la mortification corporelle. Encore une fois, l'Église n'innove pas en prescrivant le jeûne et l'abstinence. Tout simplement elle détermine le minimum de pénitence extérieure à accomplir et fixe le temps où l'on doit remplir cette obligation, qui est imposée sans précision par la loi divine. Le cinquième Commandement de l'Église nous ordonne, sous peine de péché mortel, de jeûner aux Quatre-Temps, aux vigiles et pendant le Carême. Les mercredi, vendredi et samedi de chaque semaine des Quatre-Temps sont de jours de jeûne, qui forment quatre temps de pénitence, distribués dans les quatre saisons de l'année. Chaque période se nomme La Semaine des Quatre-Temps, qui remontent au III e siècle. S. S. le Pape Urbain VIII les institua afin de consacrer par la pénitence chaque partie de l'année. C'est pourquoi il les a placés au début des saisons : la 3 e semaine de l'Avent, pour l'hiver ; la 1 re semaine du Carême, pour le printemps ; la semaine de la Pentecôte, pour l'été ; la 3 e semaine de septembre, pour l'automne. Il y a 4 vigiles, ou veilles de fêtes, qui sont des jours de jeûne : la veille de la Pentecôte, de la Toussaint, de Noël et de l'Immaculée-Conception. Comme celui des fêtes chômées, le nombre des vigiles était plus grand autrefois. Le jeûne n'est maintenu, du moins en notre pays, que pour les 4 vigiles plus haut mentionnées. Si celle de Pâques n'est pas du nombre, c'est parce qu'elle fait partie du Carême. Les plus grandes fêtes après Pâques sont la Pentecôte et Noël. Il convient que l'on s'y prépare par le jeûne. Rien de plus plausible aussi qu'au moins une fête de MARIE soit précédée d'un jeûne. Jusqu'à ces dernières années, c'était l'Assomption, C'est maintenant l'Immaculé-Conception. Comme on ne jeûne jamais le dimanche, quand l'une ou l'autre de ces quatre vigiles tombe le dimanche, le jeûne en est supprimé. Tous les jours du Carême, excepté les dimanches, nous devons jeûner. Le Carême est le temps principal de la pénitence. Les jours de jeûne y sont groupés en une longue période, au nombre de quarante, appelée pour cela la sainte Quarantaine. C'est probablement les Apôtres eux-mêmes qui l'ont établie, pour honorer et imiter le jeûne par lequel Notre-Seigneur se prépara à sa vie publique. De même, les chrétiens se préparent, en purifiant leur conscience par la pénitence, à ressusciter et à vivre d'une vie nouvelle à la fête de Pâques. Dans les 6 semaines et demie, que dure le Carême, il y a 46 jours ; en retranchant les dimanches, il reste exactement 40 jours de jeûne.

En quoi consiste le jeûne 

Tout le monde sait que le jeûne, en général, consiste à se priver de nourriture. Mais l'Église n'a pas pris le risque de laisser à la discrétion de chacun ce mode de pénitence nécessaire. Elle a prescrit des règles qui régissent le jeûne, mais des règles souples qui s'accommodent aux temps, aux coutumes et aux conditions des personnes. Il s'agit donc ici du jeûne ecclésiastique, et encore, tel que modifié par les divers indults qui l'ont notablement atténué, surtout en notre siècle. De fait, sans avoir jamais atteint les austérités de JESUS-CHRIST qui ne prit absolument aucune nourriture pendant 40 jours, ni du prophète Elie qui jeûna au pain et à l'eau durant une même période, ni de saint JeanBaptiste qui se contenta toute sa vie adulte de sauterelles et miel sauvage, ni des saints pénitents qui ne prenaient de nourriture que le strict nécessaire, le jeûne ecclésiastique était autrefois beaucoup plus sévère qu'aujourd'hui.  

Objet de la loi du jeûne 

« De droit naturel, dit Saint Thomas, l'homme est tenu de jeûner, autant que cela lui est nécessaire pour expier ses fautes, pour s'en préserver et pour élever son intelligence vers les choses spirituelles. » (2, 2, q. 147, a. 3.) (6 Abbé Berthier, Abrégé de théologie dogmatique et morale, 1892, p. 676.)

La loi du jeûne e cclésiastique prescrit de ne faire qu'un repas complet par jour, pour lequel la loi ecclésiastique ne prescrit aucune restriction soit quantitative soit qualitative ; or, cette loi ne défend pas de manger un peu matin (petit déjeuner) et soir (collation), en se conformant pour la quantité et la qualité à la coutume locale reconnue comme valable. L'important est que ce que l'on prend en dehors de ce repas principal ne constitue pas un autre repas complet. Il n'est pas défendu de manger au même repas de la viande et du poisson ; on peut aussi renvoyer au soir le repas principal et prendre la collation dans la journée (canon 1251 § 2). 

Le repas principal d’une journée de jeûne ne devrait pas se prolonger au-delà de deux heures, sans raison spéciale. (Rev. P. Muller, L., S. Sp., Somme de théologie morale, Paris, 1936, p. 209 et suiv.) Une interruption du repas principal est permise, même sans motif, si elle ne dépasse pas une demieheure. Si l'interruption est plus longue, on commet un péché véniel ; si elle dépasse l'heure on commet péché mortel. Mais pour un motif proportionnellement grave (par exemple : l'assistance d'un mourant) le repas pourra être interrompu pendant plusieurs heures.

La quantité et la qualité de la nourriture à prendre le matin et le soir 

D'une manière générale, on peut prendre ce qui est nécessaire pour que le jeûne puisse être observé sans gêne excessive. Quelle quantité de nourriture pouvons-nous prendre aux deux petits repas permis les jours de jeûnes ? " La quantité permise selon la coutume approuvée par l'évêque " (canon 1251 § 1). Nos évêques, à l'approche du Carême, envoyaient une circulaire à ce sujet, qui donne à peu près le même règlement dans les diocèses de la province de Québec, règlement souple, qui tient compte de notre rude climat, de nos coutumes, des états de vie et des constitutions individuelles de chacun. A titre d'indication, on disait jadis qu'on pouvait prendre le matin environ 60 grammes de pain et, à la collation du soir, la valeur du quart d'un repas complet (environ 240 grammes d'aliments moins nourrissants). Aujourd'hui, selon la coutume autorisée, la quantité de nourriture de ces deux petits repas maigres réunis ne doit pas égaler la quantité de nourriture du repas principal. En plus, la Sainte Congrégation du Concile autorise les œufs et laitages aux petits repas. (Acta Apostolicae Sedis, XLI, 1949, p. 32) (En somme, tout ce qui n'est pas viande peut être mangé, à moins de sévérité plus grande de mandement diocésain, qui interdit souvent les œufs et parfois d'autres aliments. La mesure récente de la Sainte Congrégation du Concile autorise les œufs et laitages aux petits repas. - Rev. P. Jombart, E., S.J., Manuel de droit canon, Paris, 1958, p. 366.) Ainsi, pour le petit déjeuner et la collation d’une journée de jeûne, il faut tenir compte de la quantité et de la qualité des aliments : On peut consommer du pain, des fruits, du poisson, des noix avec du thé, des tisanes, des jus de fruits, du café, des œufs, du laitage mais pas de la viande, en respectant toujours la quantité requise. 

Heure des repas incomplets 

Le repas principal de la journée (repas complet) peut se faire vers midi ou à toute heure de l'après-midi et, pour une raison légère, même avant midi (Rev. P. Muller, L., S. Sp., op. cit.) ; on peut donc intervertir l'ordre des trois réfections, jusqu'à prendre le repas principal le matin, si les conditions de travail rendaient ainsi le jeûne possible ou plus facile ; on peut aussi, à son gré, remettre le repas principal au soir et faire la collation à midi (canon 1251 § 2) ; de même, pour une cause raisonnable, on peut faire le matin la collation (petit repas incomplet du soir) et remettre le frustulum (petit déjeuner ou petit repas incomplet du matin) le soir.   

Entre les repas incomplets 

Dans l'intervalle de ces trois repas, on ne doit prendre aucune nourriture, mais les liquides, y compris le lait et les jus de fruits, sont permis (Mgr Maurice, Roy, Règlement du Carême, 11 février 1952). (MM. Têtu, H., et C.-O. Gagnon, Ptres., Mandements, lettres pastorales et circulaires des Eveques de Québec, Québec, 1955, vol. 17, p. 575.)

Obligation de la loi du jeûne 

Sont obligés par la loi du jeûne ceux qui ont accompli leur vingt et unième année et ce jusqu’au commencement de leur soixantième (canon 1254 § 2). Un principe de théologie dit que les choses favorable s'interprètent largement, tandis que les choses onéreuses sont à restreindre. C'est pourquoi, l'on interprète comme ci-dessus l'âge réglementaire de jeûner, qui est de 21 ans à 60 ans. Pour ceux qui sont dans l'âge voulu, l'obligation de jeûner, les jours prescrits, est grave en soi : celui qui, volontairement et sans raison grave, ne jeûne pas les jours de jeûne commet un péché mortel. On viole gravement la loi du jeûne : en prenant un second repas complet ; en majorant tellement les repas secondaires qu'ils équivalent à un second repas complet ; en mangeant à diverses reprises, bien que peu à la fois mais assez souvent, pour que la nourriture ainsi prise réduise à rien ce que le jeûne a de pénible. Encore ici, volontairement tient compte de l'inadvertance, de la distraction, de l'oubli, de tout ce qui empêche la volonté d'être pleinement responsable. Il arrive aussi qu'on ignore que tel jour est jeûne parce qu'on a fui les Messes où il y a prône et qu'on a négligé de consulter le calendrier : ignorance voulue dans la cause, qui rend responsable le jeûne omis.  

Excusés du jeûne 

Et sans raison grave ... La première est la dispense. L'auteur de la loi peut toujours dispenser de la loi qu'il a faite. D'où, l'Église, par le Pape pour le monde entier et les évêques pour leurs diocèses, dans des cas particuliers, dans une épidémie ou à l'occasion d'une grande solennité. Le curé, comme tel, a la faculté restreinte de dispenser dans un cas individuel, mais non le prêtre qui n'a pas charge d'âmes, encore moins le médecin, qui peut tout simplement déclarer que tel patient ne peut supporter le jeûne, et par conséquent en est exempté par la maladie, la faiblesse ou la convalescence. Le confesseur ne dispense pas mais dirime les doutes. (Mgr Mayrand, Paul, P.A., op. cit.) 

La maladie est la deuxième raison qui exempte du jeûne. Pas une maladie quelconque. Il faut qu'elle soit assez grave pour rendre le jeûne très pénible : telles les personnes dont l'état de santé réclame une nourriture plus abondante; les femmes enceintes ou nourrices ; enfin, les infirmes, débiles, anémiques, etc., qui souffrent du mal de tête continu lorsqu'ils ne mangent pas trois fois par jours. Un travail pénible : les cultivateurs en temps d'ouvrage, les bûcherons, les tailleurs de pierre, les briquetiers, les tisserands, les manoeuvres, les forgerons, les plâtriers, les menuisiers, les facteurs, les cordonniers, les boulangers et les cuisiniers. Ces métiers sont considérés comme très pénibles en soi (quand ils sont exercés, non pas en période de chômage). Il en est d'autres qui le sont moins mais ne peuvent se concilier avec le jeûne, sans un grand inconvénient ; tels sont ceux de peintre, barbier, de tailleur d'habit, de couturier et couturière. Les instituteurs, qui enseignent plusieurs heures par jours et ont à surveiller les élèves aussi longtemps, peuvent difficilement jeûner. Une fête de famille, des noces ou réunions de parents ne sont pas des raisons graves qui exemptent collectivement du jeûne. Avant de fixer la date d'un mariage, des noces d'or ou d'autres réjouissances, qu'on veuille bien consulter le calendrier. Quand la raison qui excuse du jeûne est certainement grave ou même solidement probable, il n'est pas nécessaire de recourir au supérieur, bien qu'il soit louable de le faire quand on a des doutes fondés. 


6e Commandement de l'Église 

(Mgr Mayrand, Paul, P.A., Catéchisme expliqué, Nicolet, 1959, p. 433 et suiv.) 

"Vendredi, chair ne mangeras, ni jours défendus mêmement". 

Le 6e Commandement de l'Église nous ordonne de nous priver d'aliments gras à certains jours de l'année. D'abord quels sont ces jours où nous devons nous abstenir (d'où l'abstinence) d'aliments gras ? - En principe, le jeûne comporte l'abstinence. Ce qui était encore en pratique, dans notre pays, il a moins d'un siècle : un jour de jeûne était toujours maigre. Le dimanche n'est jamais jeûne ni maigre, les fêtes d'obligation non plus. De sorte que : si une vigile tombe un dimanche, le jeûne et l'abstinence sont supprimés ; de mêmes, pas d'abstinence le vendredi où tomberait une fête d'obligation. L'obligation subsiste seulement en une fête d'obligation du carême. On n 'anticipe pas les vigiles (Ibid.). Selon le décret Maxima redemptionis nostræ du 16 novembre 1955, le précepte de l'abstinence et du jeûne, le Samedi-Saint, ne prend fin qu'à minuit. 


Objet de la loi de l'abstinence 

Aux jours d'abstinence, l'Église défend de manger des aliments gras, c'est-à-dire de la viande et de ses parties constitutives (canon 1250), de la moelle, du sang, de la graisse et des extraits de ces mêmes substances : oxo, bovril, thé de boeuf. Sont permis : les œufs, le lait, la crème, le fromage, le beurre et l'oléomarguerine ; de même, les poissons de toutes espèces et les animaux assimilés aux poissons, comme les escargots, les tortues, les homards, les crevettes, huîtres, clams, crabes, cuisses de grenouilles, loutres, rats musqués, castors ; les oiseaux aquatiques : plongeons, huards, poules d'eau, sarcelles, canards sauvages. S'Il n'est pas permis de manger de la graisse ou gras d'animal comme mets, par exemple du pain graissé avec du saindoux, il n'est pas défendu de s'en servir comme condiment. Ainsi on peut assaisonner les aliments avec de la graisse, préparer omelettes et fèves au lard, soupe, gâteaux et pâtisseries au gras de boeuf ou de tout animal, mais point avec du maigre de viande, boeuf, mouton, volailles, ou du bouillon de ces chairs, qui de fait est de l'extrait de viande. Car, quelle qu'en soit l'anomalie, c'est le maigre de la viande dont le jus fait un aliment gras, parce que c'est lui qui constitue la viande proprement dite. On ne peut donc pas faire de la soupe, par exemple, au boeuf, au mouton ou à la volaille, à moins que l'on se donne la peine de séparer le peu de gras qu'il y a, afin qu'il serve de condiment. Au contraire, il est loisible de préparer de la soupe au lard, mais il serait défendu d'en extraire le peu de maigre qui s'y trouve, pour le faire servir de condiment.

Ainsi, la graisse de rôti comprend deux parties, le blanc et le jaune. Celui-ci, qui a reposé au fond du bol, est une gélatine provenant du jus de viande congelé (du maigre de lard, si vous voulez), ne pouvant être mangé tel ni servir d'assaisonnement. D'autre part, le blanc peut être utilisé comme condiment à l'instar de toute autre graisse. On comprendra que toute gélatine de la viande est prohibée les jours d'abstinence, même comme dessert. Quant aux fèves au lard, lorsqu'après la cuisson il reste des déchets de lard, on peut, en les écrasant, les mêler aux fèves et les manger en guise de condiment. Tolérance qui s'applique à la soupe et à tout aliment (Ibid.). Par rapport à la consommation de la gélatine, il existe aussi d'autres réponses : « Sont également permis, d'après l'opinion plus commune, certains extraits de viande (gélatine, pepsine, peptones), mais non les potages concentrés à extrait de viande ». (Rev. P. Muller, L., S. Sp., Somme de théologie morale, Paris, 1936, p. 207.) « De même sont autorisés : la margarine, les extraits de potage ainsi que certains extraits de viande qui n'ont plus le goût de la viande, (par exemple : la gélatine, la pepsine, la peptone), mais non les « potages concentrés » qui contiennent des éléments carnés défendus. » (Rev. P. Jone, Héribert O. M. Cap., Précis de théologie morale catholique, Casterman-Tournai (Bélgique), 1958, p. 255.) 


Notion de condiment 

Est à considérer comme condiment permis tout ce qui, quoique non liquide, est pris pour rendre la nourriture plus savoureuse (Verm.-Creusen II, 565), comme le lard, la graisse servant à faire les tartines. La graisse peut être étendue sur le pain (Rép. du Saint-Office, du 6 sept. 1899) ; elle ne doit pourtant pas perdre son rôle de condiment ; p. ex., si elle se condensait en assez gros morceaux de lard (Sacrée Pénitencerie, 17 nov. 1897).


Obligation de la loi de l'abstinence 

Tous les fidèles âgés de sept ans accomplis sont tenus d'observer la loi de l'abstinence (canon 1254 § 1). L'abstinence étant moins dure que le jeûne urge plus jeune. C'est à sept ans que commence l'obligation de faire maigre, les jours d'abstinence, mais à sept ans accomplis. D'après les principes déjà exposés, l'enfant n'est pas tenu "au maigre" s'il n'a pas l'usage de raison à 7 ans, ni avant sept ans, quand même il aurait l'usage de raison. Il est à peine nécessaire de dire que, sans s'arrêter à distinguer si l'enfant a ou non l'âge de raison, il faut l'accoutumer à l'abstinence, mortification qui le prépare au jeûne et à toutes les abnégations chrétiennes. Comme le jeûne, l'abstinence est une obligation grave : il faut une raison grave, supérieure à celle qui dispense du jeûne, pour s'en exempter. Il ne faut pas se faire d'illusions. Une foule d'aliments maigres soutiennent presqu'autant que la viande, avec les aliments gras qui les enrichissent. Ici, une autre raison excusante peut survenir : la pauvreté ou tout simplement l'absence de nourriture maigre, qu'on ne pourrait se procurer qu'à grande difficulté. Quant aux fêtes de familles, comme les noces, etc., il y a encore moins de motifs de se faire dispenser de l'abstinence que du jeûne. L'inconvénient d'un repas maigre n'est pas si grand... Le précepte du jeûne et d'abstinence oblige en soi sous peine de péché grave. Mais s'il n'est violé que d'une manière peu importante, il n'y a qu'un péché véniel. On ne commet certainement pas un péché grave, si, un jour de jeûne, on prend en dehors de chacun des repas environ 60 grammes de pain, mais il y aurait péché grave, si on prenait plus de 120 grammes de pain, que ce soit en une fois ou en plusieurs. - De même on ne pécherait pas gravement, si, un jour d'abstinence, on mangeait 20 grammes de viande, mais il y aurait péché grave à en manger plus de 60 grammes. L'Église nous ordonne de jeûner et de faire maigre à certains jours de l'année, pour amortir nos passions et satisfaire pour nos péchés. L'abstinence du vendredi a particulièrement pour but de nous faire pénitence le jour où Notre-Seigneur est mort pour nous. Se substituant à nous, Il s'est couvert de nos péchés et les a expiés, en souffrant et en mourant à notre place, l'Innocent s'immolant pour les coupables. Il est bien juste que les rachetés s'imposent quelques pénitences corporelles, en union avec leur divin Sauveur.


Excusés de l'abstinence 

Sont excusés de l'abstinence ceux qui ne peuvent pas la garder sans grand inconvénient, c'est-à-dire généralement : les mendiants, les malades, les convalescents et facilement les femmes enceintes ou celles qui nourrissent ; les ouvriers qui exécutent des travaux très pénibles, aux laminoirs, dans les mines, les verreries, près des fourneaux, etc.


Cessation de la loi 

La loi de jeûne et celle de l'abstinence cessent aux dimanches et aux fêtes de précepte qui tombent en dehors du Carême, à condition qu'elles soient célébrées comme fêtes d'obligation ; cette loi cesse aussi le Samedi-Saint après minuit. 


Dispense du jeûne et de l'abstinence 

Non seulement les Ordinaires des lieux, mais encore les curés, dans des cas isolés et pour un juste motif, peuvent dispenser leurs sujets pris individuellement et les familles, même hors de leur territoire, et dans leur territoire, même les étrangers, de la loi commune de l’observance des fêtes, de même que de l’observance de l’abstinence et du jeûne, ou encore des deux. Les Ordinaires pour le motif spécial d’un grand concours de peuple ou à cause de la santé publique, peuvent dispenser tout leur diocèse ou un lieu déterminé du jeûne et de l’abstinence, ou encore des deux lois en même temps (Canon 1245 § 1-2). 

Les confesseurs, à moins de délégation spéciale, ne peuvent que déclarer qu'il y a une raison excusante pour ne pas jeûner du tout ou pour jeûner qu'en partie ; quand il suffit de renforcer un peu le frustulum du matin ou la collation du soir, ou de transposer les deux, c'est cela seulement qu'ils doivent concéder. Celui qui est dispensé du jeûne n'est pas par le fait même dispensé de l'abstinence ; mais celui qui, un jour de jeûne, est autorisé à faire gras, peut manger de la viande plusieurs fois par jour. Quand le maître de maison est excusé ou dispensé de l'abstinence, facilement tous les membres de la famille seront autorisés à faire gras, à cause de l'impossibilité morale de préparer deux repas. (S. Pénitencerie-Directives pour les confesseurs, a. 1834, 1862, 1863)


Décret au sujet de l'observance de certains jours de fête, et commentaire 

A la demande de l'Épiscopat, le Saint-Siège a bien voulu concéder aux Ordinaires du Canada la faculté d'apporter un adoucissement à l'observance de certaines fêtes religieuses de précepte. En conséquence, Nous décrétons ce qui suit. Les jours de l'Immaculée-Conception (8 décembre), de l'Epiphanie (6 janvier), de l'Ascension et de la Toussaint (1er novembre) demeurent des jours où les fidèles doivent assister à la Messe. Mais, pour apporter une solution aux difficiles problèmes de conscience que pose, en plusieurs endroits, l'observance intégrale de ces quatre jours de fête, Nous décrétons par la présente que dorénavant les fidèles de Notre archidiocèse ne seront plus obligés, en ces quatre jours, de s'abstenir des " œuvres serviles " ; ils pourront donc, durant ces jours, vaquer à leurs travaux journaliers comme durant les autres jours de semaine. Il est à remarquer que cette nouvelle discipline n'affecte en rien les fêtes de Noël (25 décembre) et de la Circoncision (1er janvier), non plus que les dimanches, qui demeurent des jours où non seulement les fidèles doivent assister à la Messe, mais où aussi ils doivent s'abstenir des " œuvres serviles ". Les présentes dispositions entreront en vigueur le prochain jour de la Toussaint, 1er novembre 1956. (+ Maurice, Archevêque de Québec)


Commentaire 

Des jours réservés à la louange divine ont été établis dans l'Église dès ses origines. Déjà au temps des Apôtres, pour honorer la Résurrection du Sauveur, la célébration du dimanche a été substituée au jour du sabbat. Puis apparut l'usage de célébrer aussi les principaux mystères de la vie de Notre-Seigneur, de celle de la Sainte Vierge, et la mémoire de plusieurs Saints. L'Église encouragea cette coutume et la liste des fêtes s'allongea de plus en plus. Des mœurs et un rythme de vie différents des nôtres permettaient alors aux fidèles de célébrer ces nombreux jours de fête, en interrompant leurs travaux et en se rassemblant pour se livrer à la prière commune. Aux XVII e et XVIII e siècles, on comptait au Canada jusqu'à une quarantaine de fêtes chômées, où les fidèles devaient assister à la Messe et interrompre leurs occupations journalières. En 1744, à la demande de l'Archevêque de Québec, le Saint-Siège en avait réduit considérablement le nombre. Aujourd'hui, ou ne compte plus au Canada que six fêtes de préceptes : l'Immaculée-Conception, la Nativité de Notre-Seigneur, la Circoncision, l'Epiphanie, l'Ascension et la Toussaint. Ce nombre est inférieur à celui des fêtes énumérées dans la législation générale de l'Église et célébrées dans plusieurs pays. Il n'y a pas à s'étonner de ce que l'Église intervienne à nouveau pour adoucir certaines de ses prescriptions. Il faut reconnaître plutôt le souci qu'elle a de s'adapter aux circonstances variables de la vie des peuples, et la constante sollicitude qu'elle porte aux besoins de ses enfants. Il suffirait, pour s'en convaincre, de se rappeler les récents adoucissements apportés à la discipline en matière de jeûne eucharistique.

On devra bien comprendre ce que la nouvelle discipline vient modifier. Les fêtes de Noël et de la Circoncision n'étant point concernées, cette discipline n'affecte que quatre des six fêtes de précepte : l'Immaculée-Conception, l'Epiphanie, l'Ascension et la Toussaint. Et encore ne vient-elle les affecter qu'en partie. Il n'y a rien de changé en ce qui concerne l'assistance à la Messe, qui demeure obligatoire ces jours-là et qui est d'ailleurs facilitée par de nombreuses Messes célébrées au cours de la journée. Les employeurs se rappelleront donc l'obligation qu'ils ont de faire en sorte qu'en ces quatre jours leurs employés puissent assister à la Messe. Ce qui est changé concerne l'abstension des œuvres serviles. Déjà, en certains endroits, des coutumes approuvées par l'autorité légitime, permettent de travailler durant ces quatre jours de fête. Mais dorénavant il est permis, les jours de l'Immaculée-Conception, de l'Epiphanie, de l'Ascension et de la Toussaint (à moins que ces jours de fête ne coïncident avec un dimanche), de vaquer, en toute tranquillité de conscience, à ses travaux journaliers (industrie, commerce, travaux des champs, etc. . .). En apportant un adoucissement à l'observance de certaines fêtes de précepte, l'autorité ecclésiastique n'entend pas changer en quoi que ce soit la discipline de l'Église en ce qui concerne l'observance du dimanche. Elle tient au contraire à profiter de l'occasion pour rappeler aux fidèles le contenu de cette discipline, et ainsi les inciter à y conformer davantage leur conduite. Le précepte de l'observance du dimanche comporte deux obligations. Il exige l'observance du repos dominical et l'assistance à la Sainte Messe. Le dimanche demeure le " Jour du Seigneur ", jour que l'on doit consacrer à Dieu. " Les dimanches tu garderas, en servant Dieu dévotement ". L'Église insiste pour que le dimanche soit le jour saint par excellence : le jour où, surtout par leur participation au Saint Sacrifice de la Messe, tous les membres de l'Église rendent à Dieu le culte qui lui est dû. Le dimanche religieusement respecté est aussi un jour de repos qui favorise l'intimité familiale et la vie sociale, et procure à l'individu une détente pour le corps et pour l'esprit. Il est aujourd'hui d'une souveraine importance que tous les hommes considèrent comme inviolable l'observance de ce jour ; car " l'issue de la lutte entre la foi et l'incrédulité dépendra vraiment en grande partie de ce que l'un et l'autre camps opposés sauront faire du dimanche " (Pie XII septembre 1947). — 11 octobre 1956.


Références additionnelles 

* Rev. P. Jone, Héribert O. M. Cap., Précis de théologie morale catholique, Casterman-Tournai (Bélgique), 1958. 

* Rev. P. Muller, L., S. Sp., Somme de théologie morale, Paris, 1936. 

* Rev. P. Jombart, E. S. J., Manuel de droit canon, Paris, 1958. 

* MM. Têtu, H., et C.-O. Gagnon, Ptres., Mandements, lettres pastorales et circulaires des Eveques de Queéec, Québec, 1955-67, vols. 17-18. 

* Le Catéchisme des provinces ecclésiastiques de Québec, Montréal et Ottawa, 1954. 

* Rev. P. Juergens, Sylvester P., S.M., The New Marian Missal For Daily Mass, New York, 1958 ; 

* Mgr Mayrand, Paul, Catéchisme expliqué, Nicolet, 1959. 

* Abbé Berthier, Abrégé de théologie dogmatique et morale, La Salette, 1892.